Être passionné rendrait-il heureux ?

 

Quand je me gare, je suis devant une magnifique bâtisse, un petit manoir qui domine la rue. Mes yeux font juste «Wouahou» en passant le seuil de la porte. Je ne sais plus où regarder tant les pièces sont splendides. Je reste bouche bée devant le travail de Séverine Sauvage, architecte d’intérieur venant de Pluherlin.

 

Bonheurs Anonymes : Qui êtes vous ?

Séverine Sauvage : Je suis une passionnée, c’est ce qui a toujours dirigé ma vie. J’ai réalisé des choses positives malgré les difficultés. Je suis entière, honnête, j’ai toujours suivi mon instinct et cela m’a fait vivre de grandes aventures.

Par exemple ma période cinéma quand je suis montée sur Paris où j’ai réalisé mes premiers décors de cours et longs métrages pour Canal+, M6… Ça m’a apporté une ouverture sur le monde, sur des gens très différents, cela m’a conforté dans l’idée que l’on pouvait faire ce qu’on voulait dans la vie, qu’il suffisait de se lancer. Ça m’a aussi appris que d’assumer ses choix n’est pas simple,  il a fallu que je construise tout toute seule, que j’apprenne tout de ce monde nouveau. Le décalage social était important, il a fallu apprendre les codes.

Ce n’est pas facile d’assumer ses choix : c’est se retrouver seule avec soi même.

 

Quand vous aviez 16 ans, comment voyiez-vous l’avenir ?

Je voulais être assistante sociale, ça me semblait une vocation, je continue en aidant mes semblables dans la réalisation de leur projet. Il y a une continuité, je peux combler mes aspirations artistique et mon aspiration d’accompagnement des autres. Mon père était dans le secteur du bâtiment, cela à donc également combler les attentes parentales inconsciemment. Car on ne vient pas de nulle part.

Je crois que c’est ça le bonheur, combler tous ses besoins en même temps.

Je voulais aussi être honnête. La malhonnêteté intellectuelle m’a toujours horrifiée. C’est mon côté utopiste mais il faut conserver ses valeurs profondes. Se respecter.

 

Qu’aimez-vous dans la vie ? Qu’est ce qui vous rend heureuse ?

La contemplation. Le beau. Dans la nature, dans mon travail, la beauté humaine, les beaux actes humains. On s’oublie complètement, on quitte son corps pour se retrouver dans LA beauté. C’est une pause dans la vie difficile que l’on peut avoir. Un moment de ressource. Ça m’élève. Le quotidien est assez basique, manger, dormir, gagner de l’argent, on a besoin d’avoir quelque chose de plus beau, de plus grand, de plus élevé que nous. Une recherche d’absolu, un besoin d’absolu.

Mais aussi la satisfaction de réaliser ce qu’on a envie de faire, de se sentir à la hauteur de ses rêves. Par ma réussite professionnelle, la réussite de mon couple. Je suis fière, c’est l’aboutissement d’un combat, rien ne se fait tout seul, ça enrichit ma confiance en moi, j’ai la sensation d’être à ma place. Celle où je dois être.

J’aime enfin être avec mes amis, partager des moments de convivialité. Me sentir en sécurité, dans un environnement que je maîtrise.

 

 

«J’ai la sensation d’être à ma place. Celle où je dois être.»

 

Est ce qu’il existe un échec en particulier qui vous a fait avancer ?

Il y en a eu plusieurs. À chaque fois par exemple que j’ai donné ma confiance trop légèrement, et que j’ai été trahie. Je ne suis pas calculatrice, mais ça m’a appris à être plus stratégique, dans la réalité concrète des relations humaines. Je crois que c’est ce qu’on appelle la maturité ?

 

Pour vous c’est ce que «réussir» ? Que faut il faire pour réussir sa vie ?

Nous sommes tous différents, il y a autant de forme de bonheur que de personnes sur terre; réussir sa vie, c’est être à la hauteur de soi même.

C’est donc très personnel. C’est avoir le courage de se réaliser, avoir le respect de soi-même. En ce qui me concerne, c’est mon objectif : réaliser ma légende personnelle. Me faire reconnaître dans mon travail, atteindre un accomplissement en tant qu’architecte d’interieur, en tant qu’épouse, en tant que représentante de la gente féminine cheffe d’entreprise.

Pour être heureux, il faut être dans l’action, vaincre les difficultés, se chercher puis se trouver. Tout se construit, comme une maison, le bonheur se bâtit, pierre après pierre.

Je ne suis qu’au premier étage je n’ai pas fini ma maison. Je pense que c’est quand on est près de la mort que l’on peut se demander si l’on a été heureux. On est un peu bercé d’illusion sur ce qui mène au bonheur dans notre société.

Même si cela se révèle être une fausse piste, il faut essayer, et le bilan se fait à la fin. Quand on se retourne et qu’on se le confirme : ça a été bien.

 

 

Quel sentiment vous procure la création d’un nouveau projet ?

La solution existe avant que j’arrive, la maison a besoin de certaines choses et c’est à moi de les trouver. J’y vais à tâtons, je valide quelques points, je travaille les autres. Il faut trouver la solution qui comble le client, la maison et ma sensibilité artistique. Et quand j’y arrive, c’est presque indécent tellement l’exaltation est grande, c’est un état très léger, comme le début d’une histoire d’amour, quand on ne ressens plus du tout les contraintes de la vie, c’est renouveler à chaque fois avec la même puissance. C’est fugace mais très fort. Voir mes clients dans un état de béatitude, savoir qu’ils vont pouvoir s’épanouir chez eux, ma mission est réussie !

Je pense que le but ultime de tout être humain, c’est l’harmonie, le flow. C’est difficile d’accès, mais c’est l’aboutissement. On fait les choses pour être aimé, de soi même, et des autres. Mais les objectifs souvent ne sont pas les mêmes, pour soi et pour les autres, le chemin est donc difficile.

 

 

«Réussir sa vie, c’est être à la hauteur de soi-même.»

 

Vous sentez-vous heureuse en vous donnant l’autorisation de créer ce qui vous ressemble ? Vous rapprochez vous de vous même ?

Oui mais c’est complexe car on ne peut pas être heureux seul, il faut être reconnu par ses pairs, son conjoint, ses clients. C’est l’harmonie avec tout cet environnement qui me rend heureuse. La barre est haute.

C’est ce flow qui m’exalte, comme la mer qui déferle sur la plage ou une rivière qui s’écoule, tout va à son rythme, continuellement, c’est harmonieux.

 

Est ce qu’il y a un outil que vous aimeriez partager, qui vous a aidé à vous sentir bien ?

Les livres de développement personnel m’ont aidé à m’individualiser, à refuser de porter toute la misère du monde sur mes épaules. L’harmonie passe par le respect, se respecter soi même et se faire respecter des autres. Apprendre à dire non.

 

Quelle est la qualité que vous avez développé pour cultiver votre bonheur ?

L’ouverture sur les autres et sur soi même. Les gens peuvent être pour moi des exemples d’équilibre et je les observe beaucoup.

 

Il y a t il des personnes qui vous inspire ?

Oprah Winfrey par exemple, des femmes qui ont réussi à s’imposer, à faire ce qu’elle avait envie de faire. Elles sont très méritantes car dans le domaine de l’entreprise, cela reste encore difficile pour nous. Le monde économique a été construit par des hommes, à leur image, il répond à leurs besoins, avec leurs techniques de communication, leurs objectifs et les notres peuvent être différents. Pendant longtemps on a essayé d’imiter ce monde en pensant qu’on avait une place à gagner, je pense que maintenant les femmes ont compris qu’elles devaient construire leur propre univers. C’est comme si elles vivaient dans un pays étranger, et dans un pays étranger, on n’est jamais totalement chez soi. Même au bout de 15 ans, on a toujours le statut d’immigré.

 

Il y a t il une citation qui vous motive ?

Travaille, travaille, travaille, ne t’occupe de rien d’autre, travaille. Les preuves de ce que je suis, les résultats que j’arrive à obtenir, sont bien plus parlant que de longs discours. Mais ce paragraphe me parle beaucoup :

« Le bonheur n’est pas un repos, c’est un effort qui réussit, un échec qui se surmonte, une expérience qui enrichit. C’est dire qu’il n’y a pas de bonheur sans courage, et c’est ce qui donne raison aux stoïciens. Mais il n’y en a encore moins sans plaisir, c’est ce qui donne raison à Epicure, ni sans amour, c’est ce qui donne raison à Socrate (…) Le bonheur, n’est ni dans l’être, ni dans l’avoir, il est dans l’action, dans le plaisir et dans l’amour. » André Comte-Sponville.

 

Quel conseil donneriez vous à quelqu’un qui souhaite vivre de sa passion comme vous le faite ?

Il ne faut pas confondre la passion et le travail. La passion, c’est juste le déclencheur, mais sans travail derrière, ça reste un rêve.

Le métier d’architecte d’intérieur est un métier très difficile, à la fois très technique et très artistique, il faut faire constamment des allers retours entre la partie gauche et droite du cerveau.

Il faut travailler sa force de caractère, c’est très subtil, il faut à la fois s’exprimer tout en intégrant les goûts et les besoins des clients et garder à l’esprit que ce n’est pas votre maison, que vous ne vivrez pas dedans.

 

 

«La passion, c’est le déclencheur, mais sans travail derrière, ça reste un rêve.»

 

En conclusion on peut dire que vous vous épanouissez dans votre travail et qu’en plus vous rendez les gens heureux ?

Oui ! La vraie reconnaissance c’est quand j’arrive à combler le besoin exprimé. Ma cliente ici par exemple souhaitait que quand les gens rentrent, on entende «wouahou !»

 

Bravo, c’est ce que j’ai fais !

C’est le moment où je peux partir, la mission est réalisée, l’émotion ne m’appartient plus, mon client prend possession de son lieu, il l’a investit.